Par trois arrêts du 8 novembre 2023, la Cour de cassation s’est intéressée au classement tarifaire des tomates séchées, pour des importations effectuées entre 2014 et 2018.
Par trois arrêts du 8 novembre 2023, la Cour de cassation s’est intéressée au classement tarifaire des tomates séchées, pour des importations effectuées entre 2014 et 2018.
Le débat avait un enjeu important :
- la position tarifaire 0712 « Légumes secs, même coupés en morceaux ou en tranches ou bien broyés ou pulvérisés, mais non autrement préparés » est exemptée de droits de douane ;
- la position tarifaire 2002 « « Tomates préparées ou conservées autrement qu’au vinaigre ou à l’acide acétique » est soumise à des droits de douane de 14,4%.

Par un Règlement 2020/2080 du 9 décembre 2020, la Commission européenne a explicitement considéré que les moitiés de tomates salés et séchées, propres à la consommation immédiate, devait être classé sous la position 2002.
L’administration douanière a souhaité appliquer ce règlement pour les importations antérieures à sa date d’entrée en vigueur. Cette application rétroactive du règlement est refusée par la Cour de cassation : « Il résulte d’une jurisprudence constante de la Cour de justice de l’Union européenne qu’un règlement précisant les conditions de classement dans une position ou une sous-position tarifaire revêt un caractère constitutif et ne saurait avoir des effets rétroactifs ».
En revanche, la Cour de cassation demande aux juges du fond de préciser si le salage est une technique de séchage ou non
Elle casse ainsi deux arrêts de la Cour d’appel de Paris qui avait considéré que les tomates avaient subi un salage à visée exclusivement conservatoire et que « les produits relevant de la position 0712 peuvent avoir subi un traitement de salage ». Elle considère ainsi que « ne peuvent relever de la position 0712 les légumes ayant fait l’objet d’une préparation, autre que leur séchage ainsi que, le cas échéant, leur coupage en morceaux ou en tranches ou leur broyage ou pulvérisation » et renvoie devant la Cour d’appel de Paris deux affaires.
Au contraire, elle rejette un pourvoi de l’administration douanière, et approuve le raisonnement de la Cour d’appel de Paris qui avait considéré que le salage de tomates « ne constitue pas un ajout visant à améliorer le produit sur le plan culinaire ou gustatif, mais un procédé de séchage ».
Le Règlement 2020/2080 du 9 décembre 2020, modifie cette appréciation pour les importations actuellement, la Commission considérant que le salage n’est pas un procédé prévu au chapitre 7, ce qui exclut un classement sous la position 0712.
Cette dernière interprétation de la Cour de cassation ouvre la porte à une demande d’annulation du Règlement 2020/2080 du 9 décembre 2020, via un renvoi préjudiciel (cf. par exemple : CJUE, 26 mars 2020, Pfizer Consumer Healthcare, C-182/19), en posant la question : le salage peut-il être considéré comme un processus de séchage au sens de la position 0712 ?
A cet égard, on peut penser que la position de la Commission est erronée : les notes explicatives du système harmonisé sous la position 0712 indiquent, sous la position, qu’elle concerne des légumes « qui ont été desséchés (y compris déshydratés, évaporés ou lyophilisés) c’est‑à‑dire privés de leur eau de constitution par divers moyens ». Le fait que le salage ne soit pas mentionné n’empêche pas qu’il puisse être une méthode de séchage relevant de cette position.
Cass. com., 8 nov. 2023, n° 22-15.807 ; Cass. com., 8 nov. 2023, n° 21-20.821 ; Cass. com., 8 nov. 2023, n° 22-11.055