Inconstitutionnalité de l’article 60 du code des douanes

Le Conseil constitutionnel vient de prendre une décision importante relative aux pouvoirs de l’administration douanière. Il a en effet considéré que l’article 60 du code des douanes, l’un des fondements les plus courants des contrôles douaniers, qui permet aux agents des douanes de procéder à la visite de marchandises, moyens de transports et personnes, est contraire à la Constitution.

Pour rappel, l’article 60 du code des douanes dispose « Pour l’application des dispositions du présent code et en vue de la recherche de la fraude, les agents des douanes peuvent procéder à la visite des marchandises et des moyens de transport et à celle des personnes. ». Ce texte accorde donc en principe un pouvoir discrétionnaire aux agents des douanes pour décider d’une visite.

Image by upklyak on Freepik
  • Les limites jurisprudentielles à l’article 60 du code des douanes

La jurisprudence judiciaire avait déjà eu l’occasion de limiter ce pouvoir, ce qu’a rappelé la Cour de cassation dans son arrêt de renvoi au Conseil (Cass. crim., 22 juin 2022, n° 22-90.008) :

  1. La mesure ne peut s’exercer que le temps strictement nécessaire à la réalisation des opérations de visite, qui comprennent le contrôle de la marchandise, du moyen de transport ou de la personne, la consignation, dans un procès-verbal, des constatations faites et renseignements recueillis, ainsi que, le cas échéant, les saisies et la rédaction du procès-verbal afférent.
  2. Si les agents des douanes peuvent recueillir des déclarations en vue de la reconnaissance des objets découverts, ils ne disposent pas d’un pouvoir général d’audition de la personne contrôlée.
  3. Les agents des douanes ne sont pas autorisés à procéder à la visite d’un véhicule stationné sur la voie publique ou dans un lieu accessible au public libre de tout occupant.
  4. La visite des personnes, qui peut consister en la palpation ou la fouille de leurs vêtements et de leurs bagages, ne saurait inclure une fouille à corps, impliquant le retrait des vêtements.
  5. Si les agents des douanes peuvent appréhender matériellement les indices recueillis lors du contrôle, c’est à la condition de procéder à leur inventaire immédiat, de s’abstenir de tout acte d’investigation les concernant, de les transmettre dans les meilleurs délais à l’officier de police judiciaire compétent pour qu’il procède à leur saisie et à leur placement sous scellés et de s’assurer, dans l’intervalle, qu’ils ne puissent faire l’objet d’aucune atteinte à leur intégrité.
  6. La personne concernée par le contrôle, si elle fait l’objet de poursuites, dispose de la faculté de faire valoir, par voie d’exception, la nullité de ces opérations.
  • L’inconstitutionnalité du texte

Le Conseil Constitutionnel s’est efforcé de concilier (i) d’une part les principes de valeur constitutionnelle de prévention des atteintes à l’ordre public et de recherche des auteurs d’infractions, (ii) et d’autre part la liberté d’aller et venir et le respect de la vie privée, protégés par les articles 2 et 4 de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen.

Il retient que l’article 60 du code des douanes permet à tout agent des douanes de procéder à ces opérations pour la recherche de toute infraction douanière, sur l’ensemble du territoire douanier et à l’encontre de toute personne se trouvant sur la voie publique. Ainsi, cet article ne prévoit pas de limite au contrôle des agents de douane dans le temps et l’espace, et ne précise pas de condition à ces contrôles tels que la suspicion plausible d’une infraction.

Le Conseil Constitutionnel considère que le législateur n’a pas concilié les principes susmentionnés, et déclare l’article 60 du code des douanes contraire à la Constitution.

  • La modulation dans le temps des effets de l’abrogation du texte

L’inconstitutionnalité du texte entraine son abrogation. Cependant, dans la mesure où l’abrogation immédiate aurait, selon le Conseil, des conséquences manifestement excessives, ce dernier reporte la date d’abrogation au 1er septembre 2023. En outre, il précise que les mesures prises avant le 22 septembre 2022 ne pourront être contestées sur le fondement de l’inconstitutionnalité.

Il appartient donc au législateur, d’ici cette date, de préparer une nouvelle version de cet article, afin de remédier aux problèmes identifiés par le Conseil constitutionnel. Il sera sans doute amené à faire preuve d’une certaine créativité, bien que l’on puisse suspecter qu’il s’inspire du droit pénal, notamment sur les contrôles d’identité.

Reste qu’à notre sens, la décision emporte néanmoins des effets immédiats. Il est clair que les mesures antérieures au 22 septembre ne sont pas contestables sur le fondement de l’inconstitutionnalité. Il est clair que les mesures prises après le 1er septembre 2023 ne pourront pas se fonder sur cet article 60 du code des douanes. En revanche, à notre sens, les contrôles faits dans la période intermédiaire (22 septembre 2022-1er septembre 2023) ne sont pas valables : on comprend de la décision du Conseil constitutionnel que les douanes pourront utiliser l’article 60 du code des douanes, qui n’est pas abrogé, mais que les personnes contrôlées pourront contester ces contrôles en raison de l’inconstitutionnalité du texte.

(Décision n° 2022-1010 QPC du 22 septembre 2022)

Leave a Comment