Par un arrêt du 11 mai 2022, la chambre criminelle de la Cour de cassation est venue apporter une précision importante en matière de prescription de l’action publique dans le cadre d’enquêtes menées par l’administration douanière.
En l’espèce, une société a fait l’objet d’un procès-verbal d’infraction le 10 septembre 2013 par l’administration douanière, pour avoir procédé à la tenue irrégulière de sa comptabilité matières, liquidé de manière non conforme les droits d’accises et fait circuler des produits ou biens relevant de la législation des contributions indirectes sans documents d’accompagnement ou marque fiscale conforme. La société a ensuite été citée devant le Tribunal correctionnel pour les années 2008 à 2011.
Le Tribunal correctionnel a constaté la prescription pour les faits antérieurs au 10 septembre 2010 (la prescription en matière délictuelle étant de trois ans).

En appel, la Cour a infirmé ce jugement, considérant que la prescription avait été interrompue par un procès-verbal du 23 juin 2011 constatant la remise par le prévenu de différents documents. Elle avait considéré, selon une jurisprudence classique, que sont interruptifs de prescription les procès-verbaux de constat établis par l’administration des douanes dans la mesure où ils visent à établir l’existence d’une infraction et asseoir l’assiette des droits à recouvrer.
Pour la Cour de cassation, au visa de l’article 7 du code de procédure pénale (CPP) alors applicable, “seul peut être regardé comme un acte d’instruction ou de poursuite le procès-verbal dressé par les agents de l’administration des douanes dans l’exercice de leurs attributions de police judiciaire et à l’effet de constater les infractions, à l’exclusion des actes de l’enquête administrative qui en ont constitué le prélude“. Or, “le procès-verbal d’intervention établi par les agents des services des douanes, qui ne constatait aucune infraction, ni ne relatait aucun acte d’enquête portant sur une infraction préalablement révélée, n’était pas interruptif de prescription“.
La Cour de cassation casse donc l’arrêt d’appel.
Cet arrêt est à notre sens un revirement de la chambre criminelle sur sa position en matière de prescription d’une action des douanes. En effet, dans une affaire similaire, la Chambre criminelle avait retenu que l’établissement de “procès-verbaux qui ont pour objet la communication de documents de nature à établir la preuve d’une infraction constituent des actes de poursuite interruptifs de prescription” (Cass. crim., 22 mars 2006, n°05-84.264).
La nouvelle solution revient à limiter l’effet interruptif des procès-verbaux des douanes.
En revanche, cette nouvelle décision de la chambre criminelle vient réconcilier la jurisprudence douanière avec la jurisprudence de la Cour en ce qui concerne les actes de l’administration du travail (Cass. crim., 21 mai 2019, n° 18-82.574).
(Cass. crim., 11 mai 2022, n° 20-86.594)