Par un arrêt du 9 février 2022 ayant reçu les faveurs du Bulletin, la chambre commerciale de la Cour de cassation s’est penchée sur le rôle de l’administration des douanes dans la détermination du taux de TVA.
La société Conceptus importait des implants contraceptifs, sous la position tarifaire 9018 39 00 00, exempte de droits de douane et bénéficiant d’un taux réduit de TVA à 5,5%. Suite à un contrôle, l’administration douanière a contesté (i) le classement tarifaire et (ii) le taux de TVA applicable, considérant que le taux de 19,6% devait être appliqué. Un avis de mise en recouvrement (AMR) a donc été émis par l’administration douanière.
La société Conceptus a contesté ce taux de TVA principalement sur deux fondements.
En premier lieu, elle a contesté la compétence de la douane pour déterminer le taux de TVA applicable, considérant que la douane n’a compétence que pour procéder au recouvrement de la TVA, faire garantir sa perception et poursuivre les infractions commises en cette matière. En cas de question de nature fiscale, la douane ne serait donc pas compétente, et seule l’administration fiscale le serait.
La Cour de cassation rejette cet argument : l’administration des douanes est “selon l’article 426 du code des douanes, seule compétente pour déterminer l’espèce tarifaire d’une marchandise importée, à laquelle est attaché un taux de TVA“. Par conséquent, “l’administration des douanes avait, en contrôlant les déclarations d’importation de la société Conceptus, toute compétence pour déterminer l’espèce tarifaire des marchandises litigieuses et, par voie de conséquence, le taux de TVA qui s’y rattache“.
En second lieu, la société Conceptus a contesté l’application d’un taux de TVA plein. En l’espèce, elle invoquait le b du 2° du A de l’article 278-0 bis du code général des impôts (CGI), dans sa version applicable à l’époque, qui prévoyait un taux réduit de TVA pour les appareillages pour handicapés mentionnés au titre III de la liste des produits et des prestations remboursables prévue à l’article L. 165-1 du code de la sécurité sociale. Pour Conceptus, il suffit que le produit soit mentionné sur cette liste pour que le taux réduit soit applicable.
La Cour de cassation rejette cet argument, en se fondant sur la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne. Celle-ci avait en effet conclu, dans un arrêt de 2013, que le point 4 de l’annexe III de la directive TVA (qui permet l’application d’un taux réduit de TVA aux “équipements médicaux, le matériel auxiliaire et les autres appareils normalement destinés à soulager ou traiter des handicaps, à l’usage personnel et exclusif des handicapés, y compris la réparation de ces biens“) ne pouvait pas s’appliquer aux “ appareils et les accessoires essentiellement ou principalement utilisés pour soulager des handicaps chez l’homme” mais seulement aux appareils et accessoires “réservés à l’usage personnel et exclusif des personnes handicapées” (CJUE, 17 janvier 2013, C-360/11, § 88). Par conséquent, le taux réduit de TVA prévu au b du 2° du A de l’article 278-0 bis du CGI ne pouvait s’appliquer qu’aux appareils s’adressant “restrictivement aux personnes handicapées“. Les implants contraceptifs importés par Conceptus s’adressant à toute personne, le taux de TVA réduit n’était donc pas applicable.
Si la solution au fond, sur le taux de TVA, semble justifiée, le raisonnement de la Cour de cassation sur la compétence de la douane nous étonne. En effet, selon les termes de la Cour de cassation, la douane est compétente pour déterminer le taux de TVA lorsque celui-ci est attaché à l’espèce tarifaire des marchandises. Or, en l’espèce, le taux de TVA n’est pas lié à l’espèce tarifaire : celui-ci résulte du caractère exclusivement dédié aux personnes handicapée du dispositif médical. Or, ni l’annexe III de la directive TVA, ni l’article 278-0 bis du CGI, ni la liste des produits et prestations remboursables ne font référence au classement tarifaire, et les deux positions tarifaires litigieuse ne font aucun cas de la destination des dispositifs médicaux :
- la position revendiquée par Conceptus était la position 9018 39 00 00 : “Instruments et appareils pour la médecine, la chirurgie, l’art dentaire ou l’art vétérinaire, y compris les appareils de scintigraphie et autres appareils électromédicaux ainsi que les appareils pour tests visuel: – Seringues, aiguilles, cathéters, canules et instruments similaires: — autres“
- la position retenue par les douanes était la position 9018 90 84 00 : “Instruments et appareils pour la médecine, la chirurgie, l’art dentaire ou l’art vétérinaire, y compris les appareils de scintigraphie et autres appareils électromédicaux ainsi que les appareils pour tests visuel: – autres instruments et appareils: — autres“.
Il semble donc que la position tarifaire n’était pas essentielle dans la détermination du taux de TVA. On comprend donc mal comment la Cour de cassation peut tirer, en l’espèce, une compétence des douanes.
(Cass. com., 9 février 2022, n° 18-25.456)