On se rappelle que, en mars 2021, la Cour d’appel de Rouen avait condamné l’administration douanière en responsabilité pour n’avoir pas constitué une garantie pour le paiement de la TVA à l’importation (ci-après, la « TVAI ») envers un représentant en douane dont elle connaissait les difficultés financières. L’importateur avait ainsi obtenu de ne pas payer la TVAI qu’il avait déjà versée au représentant en douane.
Le 27 janvier 2022, la même Cour d’appel à adopté une solution contraire.
En l’espèce, la société Mer Agitée importait des pièces de catamaran. Elle passait pour cela par un transitaire, qui utilisait les services d’un représentant en douane, la société Rommel. Le transitaire a facturé à Mer Agitée la TVAI de manière anticipée. Cette dernière s’en est acquittée. Cependant, Rommel est tombée en redressement, puis liquidation judiciaire. Elle n’a donc jamais reversé à la douane le paiement reçu de Mer Agitée relatif à la TVAI.
Ne pouvant obtenir le paiement de la TVAI de la part du représentant en douane, l’administration a émis un AMR à l’encontre de Mer Agitée.
Mer Agitée conteste cet AMR sur plusieurs fondements.
En premier lieu, elle considère que la douane aurait dû mettre en œuvre une procédure contradictoire. Ce grief est rejeté par la Cour d’appel : l’AMR n’est pas une décision défavorable à l’encontre de l’importateur, mais seulement une modalité de recouvrement d’une créance résultant de la déclaration.
En second lieu, l’importateur considérait que le paiement entre les mains du représentant en douane était libératoire. Sans surprise, la Cour d’appel rejette cet argument : le transitaire et le représentant en douane ne sont pas mandataires de l’administration douanière, ce qui exclut que l’administration douanière puisse être considérée comme payée du fait du versement du montant de la TVAI au représentant en douane.
Enfin, Mer Agitée demandait à engager la responsabilité de l’administration, qui « a pris le risque de laisser libérer les marchandises avant paiement de la TVA sans exiger de la société Rommel aucune garantie ou caution », alors que « l’administration des douanes connaissait la situation financière très dégradée de la société Agence Maritime Rommel ».
La Cour d’appel refuse cependant de condamner les douanes, considérant que l’importateur ne démontre pas l’existence d’un préjudice résultant de cette faute : le fait de constituer une garantie auprès du représentant en douane n’aurait pas empêché l’administration de recouvrer la TVAI à l’encontre de Mer Agitée.
Cette solution nous semble contestable. Outre qu’elle montre les incohérences de la Cour d’appel de Rouen (pourtant relative à la liquidation du même représentant en douane), il nous semble que le préjudice de l’importateur est ici avéré. Il résulte de l’arrêt qu’il paie en effet deux fois la TVAI. En outre, si l’administration avait constitué une garantie, l’importateur aurait pu se prévaloir d’une subrogation contre le représentant en douane, en bénéficiant de la garantie.
(CA Rouen, 27 janvier 2022, n° 20/01145)