Application de l’article 202 du code des douanes communautaires : la condition d’irrégularité constituée par la caractérisation d’une infraction douanière

Dans un arrêt du 27 octobre 2022, la Cour d’appel de Chambéry a fait application de l’article 202 du code des douanes communautaires (ci-après, le « CDC »), et a ainsi apporté une précision intéressante quant à son applicabilité.

Dans l’affaire en cause, la société française CBC Preleco et la société hollandaise BP De Lange BV ont réalisées plusieurs transactions entre janvier à mars 2010 et février à mars 2011, portant sur des importations d’ail, produit en Amérique du Sud, qui sont en principe soumises à un droit de douane de 9,6 % sur leur valeur et à un droit spécifique de 1.200 € par tonne.

Des certificats d’importation, délivrés aux importateurs nationaux par les États membres de l’UE pouvaient permettre une exonération du droit spécifique. Mais, la société CBC Preleco ayant épuisé ses propres certificats, a mis en place un mécanisme de revente de ses produits sous douane, avant dédouanement, à différentes entités du groupe hollandais De Lange, qui disposaient de leurs propres certificats, pour les racheter immédiatement après dédouanement, à un prix de 5 à 7 % plus élevé, à ces mêmes sociétés, avant d’en assurer la commercialisation pour son propre compte.

Le 23 décembre 2013, les sociétés CBC Preleco et BP De Lange BV, ont été destinataires d’un avis de mise en recouvrement (ci-après, « AMR ») pour un montant de 381.228 € de droits et taxes éludés. Les sociétés contestent la mise en recouvrement. En particulier, Le Tribunal de grande instance d’Annecy les déboute par un jugement joignant les deux affaires, rendu le 10 novembre 2016. Les sociétés interjettent appel distinctement.

Concernant la société BP De Lange BV, la Cour d’appel de Chambéry a rejeté ses arguments procéduraux par un arrêt du 30 novembre 2017. La Cour de cassation a rejeté le pourvoi. L’affaire est alors revenue sur le fond devant la Cour d’appel de Chambéry.

Une question essentielle était de savoir si l’introduction des marchandises sur le territoire douanier de la Communauté devait être considéré comme régulier ou irrégulier au sens du CDC.

Pour rappel, l’article 202 du CDC dispose que, en cas d’introduction irrégulière d’une marchandise sur le territoire douanier de la Communauté, le débiteur est la personne qui a procédé à l’introduction, ou toute personne qui a participé à cette introduction si elle savait ou aurait raisonnablement dû savoir que l’introduction était irrégulière. Au contraire, en cas d’introduction régulière, l’article 201 du CDC dispose que le débiteur est le déclarant ou son représentant indirect.

En particulier, BP De Lange BV soutient qu’elle n’a pas la qualité de codébiteur de la dette douanière, notamment car elle n’est pas déclarant au sens de l’article 201 du CDC et qu’il n’est pas démontré que la marchandise ait été introduite irrégulièrement de sorte que la dette douanière ne pourrait lui être imputée sur le fondement de l’article 202 du CDC paragraphe 3.

De son côté, l’Administration soutient que la dette douanière est fondée sur l’article 202§3 du CDC, considérant notamment que « dès lors que l’infraction est jugée caractérisée, l’opération est réputée irrégulière au sens de l’article 202 § 3, ce qui est bien le cas en l’espèce (infraction de l’article 426-4 du code des douanes) ».

La Cour d’appel suit le raisonnement des douanes :

« Il est de jurisprudence constante que, dès lors que l’opération d’importation en cause est constitutive d’une infraction douanière, l’introduction de la marchandise concernée est réputée irrégulière. L’introduction irrégulière ne se réduit ainsi pas à la seule absence de présentation en douane comme le prétend l’appelante. »

La Cour d’appel confirme le jugement rendu par le tribunal de grande instance d’Annecy le 10 novembre 2016 en toutes ses dispositions critiquées, et condamne l’appelante sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Le raisonnement tenu par la Cour d’appel de Chambéry est important pour deux raisons :

  • En premier lieu, l’article 426 du code des douanes répute importation et exportation sans déclaration tout un ensemble d’infractions douanières, y compris la seule fausse déclaration d’espèce, de valeur ou d’origine, antérieurement au 27 décembre 2020. Selon la Cour d’appel, toutes ces infractions constituent donc une introduction irrégulière, et devant donc être recouvrée selon l’article 202 du CDC.
  • En second lieu, ce raisonnement était soutenu par l’administration dans ses conclusions, ce qui renforce sa crédibilité.

Reste à savoir si ce raisonnement pourrait être tenu sous l’empire du CDU, ce qui n’est pas forcément évident, dès lors que les dispositions relatives aux débiteurs de la dette douanière ont été substantiellement reformulées (art. 77 à 80 CDU).

CA Chambéry, 27 octobre 2022, n° 16/02524

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