Une saisie n’est pas une voie de fait

La voie de fait est un acte de l’administration qui “a procédé à l’exécution forcée, dans des conditions irrégulières, d’une décision, même régulière, portant atteinte à la liberté individuelle ou aboutissant à l’extinction d’un droit de propriété, soit a pris une décision qui a les mêmes effets d’atteinte à la liberté individuelle ou d’extinction d’un droit de propriété et qui est manifestement insusceptible d’être rattachée à un pouvoir appartenant à l’autorité administrative” (Trib. confl. , 17 juin 2013, n°C3911).

C’est cette notion que la Cour d’appel de Chambéry a été amenée à étudier à propos d’une saisie de l’administration.

En l’espèce, les douaniers avaient contrôlé un véhicule à la frontière italienne. Le conducteur transportait un lot d’armes anciennes. Ces objets ont été placés en consignation par la douane, consignation prolongée par le parquet.

La douane a alors été informée par l’administration italienne que les objets étaient des biens culturels qui auraient dû faire l’objet de formalités d’exportation définitive vers la Belgique, et qu’en l’absence de ces formalités, leur sortie du territoire italien était illégale et constituait un délit selon la loi italienne. La douane a alors procédé à la saisie des armes pour circulation irrégulière de biens culturels (art. 215 ter C. douanes).

Le propriétaire des armes, la société Magazin Royal, a sollicité leur restitution, ce qui leur a été refusée par les douanes. Le propriétaire a donc assigné en référé les douanes en restitution. L’argumentation de Magazin Royal se fondait sur une voie de fait qui aurait été commise par les douanes et sur l’irrégularité de la saisie.

La Cour d’appel de Chambéry rappelle la définition de la voie de fait dégagée par le Tribunal des conflits visée ci-dessus. Elle rappelle alors que, pour qu’une voie de fait soit qualifiée, le droit de propriété doit s’éteindre. Or, la saisie n’a pas eu d’effet de priver Magazin Royal de son droit de propriété. Seule une confiscation aurait eu cet effet.

Par ailleurs, la Cour considère que les différentes mesures prises par les douaniers l’ont été dans le cadre de leurs pouvoirs :

  • elle considère que l’article 322 bis du code des douanes autorise la consignation de biens culturels et trésors nationaux, catégorie à laquelle les armes en cause étaient susceptibles d’appartenir ;
  • elle considère que l’article 419 du code des douanes autorise la saisie en cas d’infraction de circulation irrégulière de biens culturels.

La Cour rejette donc la qualification de la voie de fait.

Enfin, la Cour rejette la demande de Magazin Royal fondée sur l’irrégularité de la saisie, considérant notamment que “les armes litigieuses sont susceptibles d’appartenir à l’une des catégories de marchandises énumérées par l’article 38 du code des douanes, et d’entrer dans le champs d’application du règlement CE n° 116/2009 du 18 décembre 2008 et son annexe I-A-15 et I-B qui prévoient que les armes ayant entre cinquante et cent ans d’âge, ainsi que celles ayant plus de cent ans d’âge, sont soumises à autorisation d’exportation dès lors que leur valeur excède la somme de 50.000 €“.

La demande de mainlevée de la saisie est donc rejetée

Cette dernière solution nous semble particulièrement discutable. En effet, l’article 38 du code des douanes ne vise que les “biens culturels et trésors nationaux relevant des articles L. 111-1 et L. 111-2 du code du patrimoine“. Or, ces derniers articles ne visent que les biens du patrimoine français. En outre, le Règlement n° 116/2009 ne restreint que les exportations du territoire douanier de l’Union, et ne limite donc pas les transferts entre Etats membres. Or, en l’espèce, les biens étaient originaires d’Italie, et avaient vocation à être transportés en Belgique ou en Allemagne. Il semble donc que les textes actuels ne permettent pas la consignation ou la saisie de biens culturels d’un Etat membre de l’Union douanière qui serait simplement transporté vers un autre Etat membre.

(CA Chambéry, 29 mars 2022, n° 21/01252)

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