Par un arrêt du 23 février 2022, publié au Bulletin, la chambre criminelle de la Cour de cassation a pris une décision intéressante sur les pouvoirs d’enquête de l’administration douanière.
En l’espèce, des douaniers avaient découvert sur une aire d’autoroute un véhicule vide dans lequel étaient visibles des billets de banque, et que les chiens stupéfiants avaient marqué. Les agents des douanes ont donc brisé la vitre du véhicule et procédé à sa fouille. Ils ont trouvé 3.000 euros en espèce, trois grammes de résine de cannabis et un sac contenant de nombreuses armes. Le propriétaire du véhicule a donc été mis en examen pour blanchiment, association de malfaiteurs et complicité d’infraction à la législation sur les armes et placé en détention provisoire.
La chambre de l’instruction de la cour d’appel de Grenoble avait, par un arrêt du 15 juin 2021, validé cette fouille de véhicule. Elle se fondait ainsi sur l’article 60 du code des douanes, qui autorise les agents des douanes à “procéder à la visite des marchandises et des moyens de transport et à celle des personnes“, tel qu’interprété par la jurisprudence, autorisant ainsi la fouille de véhicules sans besoin d’un indice d’infraction et indépendamment du comportement des individus.
Cet arrêt est cassé par la Cour de cassation, sur le fondement des articles 6 de la Convention européenne des droits de l’homme et 60 du code des douanes :
“6. Aux termes du second de ces textes, pour l’application des dispositions du code des douanes et en vue de la recherche de la fraude, les agents des douanes peuvent procéder à la visite des marchandises et des moyens de transport et à celle des personnes.
7. Cependant, en l’absence de toute garantie posée par la loi visant à s’assurer de l’authentification des recherches et découvertes effectuées, ces dispositions ne sauraient être interprétées comme autorisant les agents des douanes à procéder à la visite d’un véhicule stationné sur la voie publique ou dans un lieu accessible au public libre de tout occupant.“
La Cour de cassation considère ainsi que les douanes ne peuvent pas fouiller un véhicule sans son occupant, dans la mesure où aucun élément ne permet de s’assurer de l’authenticité du résultat de cette fouille, tout du moins tant que la loi ne prévoit pas une forme d’authentification. On peut notamment penser au recours à des témoins, comme en matière de perquisition (art. 57 et 96 CPP) et d’opérations de visite et saisie en matière de concurrence (art. L. 450-4 C. conso.), de consommation (art. L. 512-57 C. conso.) ou fiscale (art. L. 16-B LPF). On peut cependant souligner qu’il serait utile que cette mesure prévoit une véritable indépendance des témoins, dans la mesure où la jurisprudence reconnait la possibilité de désigner comme témoin un policier ou un gendarme qui n’est pas sous l’autorité administrative de l’OPJ en charge de la mesure : il nous semble important que les témoins soient des personnes qui n’aient pas de lien quelconque avec l’administration (police, administration fiscale, douanière, économique, etc.).
Une dernière note : puisque la garantie en question doit être, selon la Cour, “posée par la loi“, il nous semble que le recours à des témoins par les douanes, sans que l’article 60 du code des douanes ne soit réformé, est voué à l’échec.
(Cass. crim., 23 février 2022, n° 21-85.050)