Affaire Rommel : nouveau rejet de la responsabilité de l’administration douanière

On se rappelle la jurisprudence divergente de la Cour d’appel de Rouen. Le 11 mars 2021, elle avait condamné l’administration des douanes en responsabilité pour n’avoir pas constitué une garantie à l’encontre d’un représentant en douane, la société Rommel, dont les difficultés financières étaient connues de la douane. Elle avait donc condamné l’administration douanière à payer le montant de la TVA à l’importation due au débiteur de la TVAI, client de la société Rommel et qui avait avancé le paiement de la TVAI à Rommel, paiement absorbé par la procédure collective (cf. notre article ici).

Mais, le 27 janvier 2022, la même Cour d’appel a pris une solution contraire, considérant que l’importateur ne démontre pas l’existence d’un préjudice résultant de cette faute : le fait de constituer une garantie auprès du représentant en douane n’aurait pas empêché l’administration de recouvrer la TVAI auprès de l’importateur (voir notre article ici).

Par un nouvel arrêt du 10 février 2022, la Cour d’appel de Rouen (composée de manière quasi-identique que pour l’arrêt du 27 janvier 2022) prend une décision identique. Elle rejette l’argumentation de l’importateur avec les motifs suivants : “Au soutien de sa demande, [l’importateur] cite un arrêt rendu par la cour d’appel de Rouen qui, dans une affaire similaire, a retenu que l’administration des douanes avait connaissance de la situation financière très dégradée de la société Agence Rommel depuis le mois de juillet 2013. Mais un arrêt rendu au bénéfice d’une société extérieure au présent litige n’est pas à lui seul suffisant à rapporter la preuve d’une faute de l’administration des douanes à l’égard de [l’importateur]. Force est de constater que [l’importateur] ne produit pas aux débats les rapports évoqués dans ce précédent arrêt et dont il pourrait ressortir d’une part la situation financière très dégradée de la société Rommel au début de l’année 2015 et d’autre part la connaissance qu’en avait l’administration des douanes“.

Ainsi, “A défaut de justifier d’éléments de fait qui auraient rendu ce cautionnement nécessaire, [l’importateur] échoue à démontrer l’existence d’une faute de l’administration des Douanes“.

Cet arrêt nous semble intéressant. Déjà, il se place dans le cadre de cette jurisprudence Rommel, qui donnera sans doute lieu à plusieurs arrêts de la Cour de cassation. Ensuite, il porte un jugement sur le caractère probatoire de la jurisprudence : un arrêt n’est pas un élément de preuve des documents qu’ils citent. On peut penser que la Cour d’appel considère que la jurisprudence n’est qu’un élément d’interprétation du droit, et non une preuve des faits juridiques.

On peut douter de cette affirmation, mais il s’agit en tout cas d’un avertissement pour les praticiens.

(CA Rouen, 10 février 2022, n° 20/02143)

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