Par un arrêt du 19 janvier 2022, la Cour de cassation a apporté une précision intéressante sur le préjudice réparable du fait d’une faute des douanes.
Pour rappel, l’article 401 du code des douanes dispose que “L’administration des douanes est responsable du fait de ses employés, dans l’exercice et pour raison de leurs fonctions seulement, sauf son recours contre eux ou leurs cautions“. L’article 402 précise que, lorsqu’une saisie n’est pas fondée, le propriétaire des marchandises “a droit à un intérêt d’indemnité, à raison de 1 % par mois de la valeur des objets saisis, depuis l’époque de la retenue jusqu’à celle de la remise ou de l’offre qui lui en a été faite“.
En l’espèce, les douanes ont procédé à une saisie d’armes à blanc fabriquées par la société Chiappa Firearms. Cette saisie s’est avérée non justifiée par la suite, ce que les douanes ont toujours reconnu.
Or, les saisies ont été effectuées chez les distributeurs, et non chez Chiappa. Par conséquent, l’article 402 était inapplicable. Chiappa pouvait cependant engager la responsabilité pour faute de l’administration douanière résultant de l’article 401. La Cour d’appel de Paris (CA Paris, 18 mars 2019, n° 18/04800) avait considéré que la faute des douanes était caractérisée puisque les douanes reconnaissaient que la saisie n’était pas justifiée.
La question se posait alors du préjudice réparable. Chiappa soutenait que son préjudice résultait “de l’impossibilité de commercialiser le modèle saisi par les douanes, de la conception d’un modèle de substitution destiné au marché français qui n’a pas connu le succès escompté et de l’impossibilité de vendre en France aucun modèle de la gamme standard“. En somme, la saisie des douanes a eu un impact sur l’image et le succès commercial des produits commercialisés par Chiappa.
La Cour d’appel a reconnu ce principe, et a nommé un expert pour calculer le préjudice.
Les douanes se sont pourvues en cassation, alléguant de l’absence de lien de causalité direct entre la saisie et le préjudice de Chiappa, notamment car Chiappa “était tenue de faire toutes diligences pour éviter de subir les conséquences dommageables des saisies pratiquées“.
Ce raisonnement est écarté : la Cour de cassation reconnait ainsi la possibilité de réparer, en cas de faute de l’administration douanière, le dommage résultant des actions entreprises par la victime pour limiter ses pertes.
(Cass. com., 19 janvier 2022, n° 19-17.189)